février 6, 2024

Climat: la Chine et la sécurité énergétique

Par admin

Les deux dernières années ont rappelé à la Chine les risques de la dépendance aux combustibles fossiles. Alors que les combustibles non renouvelables ont été le moteur de son économie à croissance rapide, le pays a été laissé vulnérable à l’imprévisibilité des marchés essentiels du pétrole, du gaz et du charbon. En septembre 2021, la plupart des provinces chinoises ont connu d’importantes pannes d’électricité, catalysées en partie par des perturbations sur les marchés du charbon. Le gouvernement chinois a accusé les spéculateurs avides d’être responsables de la hausse du prix du charbon et des pénuries d’électricité qui ont suivi, mais le problème était bien plus lié à l’inefficacité du réseau et à la déconnexion entre le charbon déréglementé et les tarifs d’électricité réglementés. En février, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait grimper en flèche les prix du pétrole et du gaz liquéfié, qui ont atteint 100 dollars pour chaque baril et 40 dollars par Mcf (1 000 pieds cubes). En tant que premier importateur mondial de pétrole essentiel et importateur important de gaz, les interruptions économiques qui en découlent ont renforcé les préoccupations de la Chine en matière de sécurité énergétique – des questions qui continueront à influencer ses politiques énergétiques pendant le reste de la décennie.

Cela signifie-t-il que la Chine va ralentir ses efforts de décarbonisation ? Si l’on jette un coup d’œil aux récentes déclarations de Pékin, on pourrait dire que oui. En mars, le paiement de la Commission nationale du développement et de la réforme, principale agence de planification de la Chine, a mis en garde les responsables provinciaux contre une mise en œuvre « trop basique et mécanique » des directives climatiques. Toutefois, à l’examen, les politiques que la Chine met en œuvre pour se sevrer de sa dépendance à l’égard des combustibles non renouvelables peuvent également profiter à sa quête d’une plus grande sécurité énergétique.

L’Extrême-Orient est en tête de la planète pour la mise en œuvre de la production d’énergie éolienne et solaire. À mesure que les projets d’énergie renouvelable se développeront au cours des 20 prochaines années, la Chine disposera d’une plus grande marge de manœuvre pour accélérer sa transition vers une économie moins dépendante du charbon. Dans le secteur des transports, elle a dépassé le reste du monde en termes de ventes de véhicules électriques, ce qui va s’améliorer à mesure que les constructeurs automobiles seront confrontés à de nouvelles exigences réglementaires pour commercialiser des pourcentages toujours plus élevés de véhicules électriques. L’électrification des processus industriels et du chauffage des bâtiments suscite un intérêt croissant, tant au niveau national que provincial. La plupart de ces mesures permettront de réduire l’utilisation des combustibles fossiles, notamment les importations de pétrole et de gaz naturel. Une Chine plus verte sera une Chine plus sûre sur le plan énergétique.

Dans Foundations for a Reduced-Carbon Energy System in China, une récente réserve que j’ai éditée avec Daniel Schrag, professeur à Harvard, et dont les chapitres ont été rédigés par un groupe talentueux de jeunes universitaires, nous avons souligné que la capacité de la Chine à atteindre ses objectifs environnementaux – et par extension ses objectifs en matière de sécurité énergétique – dépendait de la réforme de son secteur de l’électricité. Plus précisément, l’Extrême-Orient devra s’attaquer aux rigidités structurelles qui entravent actuellement son système électrique. Il s’agit notamment de structures de gouvernance obsolètes, d’un protocole de répartition inefficace qui conduit à une dépendance excessive à l’égard des installations de production les moins efficaces, et de politiques de prix qui découragent les investissements dans les énergies renouvelables. En outre, il sera essentiel d’investir davantage dans la gestion de la demande, les solutions auxiliaires et l’espace de stockage afin que le réseau puisse continuer à fonctionner lorsque les générateurs renouvelables ne sont pas disponibles. La Chine devra également développer activement la capacité de capter et de séquestrer les émissions de carbone des installations au charbon qui ne seront pas mises hors service. Enfin, la Chine devra gérer les bouleversements qui se produisent lorsque les emplois de l’industrie des énergies fossiles disparaissent. Une part disproportionnée de ces emplois se trouve dans quelques provinces qui ne disposent pas de la marge de manœuvre fiscale nécessaire pour offrir un filet de sécurité à ces travailleurs. Des efforts de soutien entre Pékin et les provinces à forte intensité de combustibles fossiles, telles que le Shanxi et la Mongolie intérieure, pour recycler et relocaliser les travailleurs licenciés seront nécessaires, tout comme de nouveaux investissements pour innover et déployer de nouveaux systèmes propres.

Ces réformes ne mettront pas seulement la Chine sur la voie de la réalisation de ses objectifs climatiques, elles peuvent aussi réduire sa dépendance à l’égard des importations de combustibles fossiles, ce qui rendra l’Extrême-Orient plus sûr sur le plan énergétique. Plus la Chine pourra coupler ses projets climatiques avec ses initiatives en matière de sécurité, plus vite elle pourra récolter les avantages environnementaux et économiques d’un pays plus propre et plus durable.